samedi 5 février 2011

K&V.

* Qu'on s'entende bien : nulle perfection, nul chef-d'œuvre, chez Klipper et Vernier, mais bien construction d'œuvre, vraie filmographie, avancée théorique de film en film, progression, disons politique de l'auteur. D'ailleurs un film de Klipper seul (Sainte-Anne) et un film de Vernier seul (Pandore) n'est pas un film de Klipper & Vernier, malgré l'évidente proximité.

* Pandore et Flics ont été faits sans qu'au générique figure le moindre soutien financier. Flics a pourtant demandé 7 mois de tournage. On est dans cette même économie à Triptyque, on filme malgré les refus. Mais jusqu'à quand ? Les projets qu'on n'a pas encore tournés aujourd'hui sont ceux qu'on ne pourrait pas tourner sans argent. Je n'en tire aucune conclusion : je constate, simplement.

* La spontanéité de choix de Vernier et de sa parole face au public, une façon parfois de défendre un choix en disant seulement : "C'est la seule approche qui m'intéressait". En cela ses films sont aussi enfants du numérique, on recadre à la spontanéité, on tourne six nuits en continu depuis un point fixe (Pandore)... Ces films n'existeraient pas en pellicule. Il y a un droit au jugé, au feeling, dans le cinéma de Klipper et Vernier, les imperfections viennent aussi de là, mais c'est là enfin que réside la beauté des électrisantes paniques du cadre.

* Flics est plus rigoureux, en ce sens classique qu'il recadre moins, que les plans-séquences sont plus souvent intouchés, raccordés avec précision, arrimés au sol, parfaitement bien placés. Impressionnent.

* Aujourd'hui la pratique de K&V interroge la mienne, récemment j'apprenais à laisser un recadrage brusque dans un film en montage (celui sur la bande dessinée) que je voulais au cordeau, précisément découpé et composé, rigoureux, droit, hiératique et géométrique. Ce n'est pas tant que par cet à-coup imparfait la vie se faufile (cliché rebattu), c'est surtout que l'existence organique donc par instant simplement pataude de l'opérateur s'y confirme (et c'est plus compliqué, plus fort mais aussi plus risqué pour le film).

* Chacun des films de Vernier et Klipper sont, d'une manière ou d'une autre, problématiques, tous ont leurs plans qui gênent, leurs choix discutables (les soudards dans Pandore, l'ivrogne aux seins nus de Commissariat, le roulage de pelles des Flics...), et c'est aussi ce qui les rend si vifs, ce qui fait qu'il est à ce point important d'en parler. Depuis ma découverte des films de PointLignePlan il y a quelques années, je n'avais pas eu cette impression tellement stimulante d'une écriture nouvelle, majeure, à dire, à faire, à tenter.

vendredi 4 février 2011

Le travail.

* Retours de festivals. On apprend plein de choses, forcément : on a un an ; on n'a qu'un an.

* A Rotterdam, on a appris l'existence de l'international, pas super-raccord avec l'Internationale. Les Américains sont américains et crient "amaaaaazing!" quand ils trouvent les trucs cools et/donc vendables. Les Français savent dire le mot "snob". Paradoxal comme la ville est aux couleurs de l'IFFR et comme pourtant le festival semble très majoritairement fait pour les professionnels et leurs rencontres.

* Rotterdam est un wannabe New-York avec ses grasses tours et ses ponts de San Francisco.

* On y voit aux ronds-points des sculptures de kebab gigantesques.

* A Poitiers, on croise le Futur en gabardine, casquette et Minitel 2.0. Photo à venir.

* Entendu dans la bouche d'un réalisateur à Poitiers : une commission de financement de documentaires "sur les minorités" aurait vu passer une circulaire interdisant carrément de désormais donner un sou au moindre film approchant les gitans. Ça tombe bien, on essaie d'en financer un, bon courage. Récemment une circulaire de ce type avait fait couler de l'encre. Si celle-ci existe itou, il serait bon que d'autres plumes s'en émeuvent : cherchons confirmation.

* Vu Pandore et Flics. Confirmation que Vernier et Klipper ont inventé une forme neuve en une poignée de films. Il faut voir le plan-séquence de l'émeute dans Flics pour le croire et clouer définitivement le bec aux Badiou anti-plan-séquence. J'essaierai d'en reparler.

* Pour l'instant, je digère, somnolant au vin rouge, les trois échecs de la semaine de Triptyque. On fera avec ces sans.